Maître Shojo AWAZU, 9ème Dan
Texte issu du site « l’esprit du judo »
Maître Shozo Awazu nous a quitté Jeudi 17 mars à 8h, à la veille de son 93e anniversaire.
"Comme l'ensemble du judo français, nous apprenons le décès de Maître Awazu avec l'émotion qui accompagne non seulement la disparition des aînés aimés et respectés, mais aussi les changements d'époque. Cette disparition, au-delà même de la tristesse qu'elle suscite, a le poids fatidique que prend la dernière page d'un grand livre qui se ferme. Ce n'est pas celle du judo français bien sûr, mais peut-être celui de sa jeunesse. Shozo Awazu est en effet arrivé en 1950, au moment de la reconstruction de l'après-guerre, comme l'homme lige de Mikinosuke Kawaishi. Il n'a jamais cessé depuis de tracer le sillon rectiligne d'une vie entièrement consacrée à renforcer le jeune judo français, ses grands compétiteurs, mais aussi, encore plus essentiellement, ses principes éducatifs et moraux. Il est très certainement l'un des piliers forts de cette grande histoire singulière du développement exceptionnel du judo chez nous. Respectueux de son engagement irréversible et absolu au service du judo français, il était encore présent aux compétitions régionales et nationales jusqu'à ce que sa santé le lui interdise. Tous les gens avertis repéraient avec affection et gratitude sa silouhette de sage bienveillant et attentif, assis discrètement sur une chaise et appuyé sur sa canne, hissant par cette ultime abnégation son propre parcours à la hauteur d'un accomplissement. Désormais le maître est mort et le judo français, ceux qui ont appris avec lui, appris de sa rigueur, de sa force d'engagement et de son patrimoine technique, doivent lever leur lanterne pour continuer sans lui. Son exemplarité limpide nous manquera pour toujours.
Nous partageons très profondément la tristesse de ce moment, sa gravité. Nous sommes de tout coeur avec sa famille, avec ses proches et ceux qui l'ont entouré jusquà la fin.
Nous vous proposons de relire la dernière interview que nous avions fait avec Shozo Awazu pour l'Esprit du Judo n°36, paru en février 2012 :
SHOZO AWAZU, UNE VIE AU SERVICE DU JUDO FRANÇAIS
1923-2016
C’est un 6e dan un peu timide qui débarque à Marseille en été 1950. Il est là pour un an. Le respect qu’il doit à ses aînés ne lui a guère donné le choix. Il doit donner un corps à Kawaishi sensei, qui a dépassé la cinquantaine. C’est maître Kurihara de la Butokukai de Kyoto, où il fut le condisciple de Kawaishi, qui l’a désigné. Son arrivée est un événement pour le judo français qui n’a encore à peu près que Kawaishi comme référence. Profitant de l’énergie des 27 ans du nouveau venu, Mikinosuke Kawaishi organise une série de galas, dont celui de Paris, le 21 octobre au Vélodrome d’Hiver, qui fait date. Pour la première fois, le judo passionne les magazines et même la radio, pénètre la sphère du grand public. L’équipe de France de Levannier, Martel, Belaud, Verrier, Roussel, Cauquil, Pelletier, Laglaine, Zin, puis le colosse De Herdt, qui sera le seul à obtenir le nul, rencontre le jeune combattant, bientôt leur mentor technique. Partenaire d’entraînement autant qu’entraîneur, Awazu paye de sa personne et travaille à construire l’équipe de France « moderne » qui surclasse toute l’Europe, et triomphe une nouvelle fois dans les médias lors des premiers championnats continentaux en 1951 à Paris. Henri Courtine et surtout Bernard Pariset seront ses plus célèbres élèves, emportant de nombreux titres européens et des médailles mondiales. Moins éblouissant qu’Abe, moins seigneur que Michigami, Awazu a pour lui d’être jeune et au cœur du système. Surtout, c’est un homme doux et respectueux, qui suivra toute sa vie la voie bouddhiste de non violence, d’harmonie et de respect de l’autre, supportant sans se plaindre la vie difficile des premiers temps. Il ne reverra sa femme laissée au Japon que bien des années plus tard. Sans rien revendiquer, il donnera aux premiers combattants français la marque du judo de Kyoto et en particulier un domaine encore inexploré, le ne-waza. Lionel Grossain, triple champion d’Europe, en fut avec Bernard Pariset le premier bénéficiaire. Des générations de jeunes athlètes ont subi le cauchemar souriant de son ne-waza sans fioriture et simplement invincible.
Cette droiture modeste et cette constance fiable et fidèle, refusant toujours la tentation de l’indépendance, a fini par lui obtenir une place unique qu’il occupe toujours dans le judo français. Comme un symbole vivant au-delà du rôle d’expert technique, celui de véritable colonne vertébrale, de moelle épinière de notre aventure. À l’échelle de la vie d’un homme. La sienne.
L’Interview
À 88 ans désormais, le vieux maître du judo français répond aux questions de l’Esprit du Judo. Soucieux de vérité et de mémoire, Shozo Awazu, 9e dan, parle en toute franchise.
Comment êtes-vous arrivé en France ?
C’est maître Kawaishi, lors d’un voyage au Japon, qui avait demandé à son ami du Butokukai, Kurihara, de lui trouver un assistant. Ce fut moi.
Je suis arrivé à Marseille le 5 juillet 1950, après 28 jours de bateau. C’était un grand bateau, mais j’avais une toute petite place. Heureusement le maître de pont de la 1e classe était le père d’un judoka marseillais et m’avait permis d’y accéder. Deux jours après mon arrivée, j’ai fait une ligne de combats. C’était une erreur, je n’étais pas prêt physiquement. Au bout du 11e ou 12e combattant, j’ai perdu sur hiza-guruma. C’était Monsieur Oudart, aujourd’hui 8e dan, troisième du championnat de France à l’époque et spécialiste de ce mouvement, qui me l’avait porté. Par politesse pour moi, il ne s’est jamais vanté de ce combat, il n’en a jamais parlé. Mais je me rappelle de lui plus que des autres ce jour-là ! Et la France venait de me donner une première leçon. Quand le physique n’est pas là, l’esprit seul ne peut pas tout faire.
Qu’est-ce que vous y avez amené ?
C’était le début du judo français. Il était encore assez statique. Moi j’ai amené l’esprit de travail de ma région, le Kansai. À Kyoto, il y avait l’institut du Butokukai et son école militaire de Budo Senmon Gakko (Busen) qui était réputé pour sa valeur au combat. À 16 – 17 ans, je faisais partie de l’équipe de Kyoto et nous étions premiers du Japon. Notre travail n’était pas tellement joli, c’est vrai, mais nous cherchions l’efficacité. Nous faisions aussi beaucoup de ne-waza, mon école en particulier qui était spécialisée dans le travail au sol. C’est que j’ai amené à la France.
Comment jugez-vous la querelle des styles Kawashi – Abe ?
On parle beaucoup d’Ishiro Abe. Son travail était léger et élégant, mais ce n’était pas un champion comme les représentants du Kodokan Matsumoto et Yoshimatsu, qui sont passés en France à l’époque et qui ne faisaient pas le même judo. Abe cherchait le mouvement pour le mouvement et il a impressionné beaucoup de monde. Mais finalement, même Moreau et Beaudot, qui sont partis pendant deux ans au Kodokan, ne sont pas revenus plus forts que Pariset et Courtine, nos champions français, avec lesquels j’ai travaillé tous les jours pendant trois ans. Nous faisions un travail solide. Il fallait rester calme et attaquer au bon moment pour faire tomber et suivre au sol. Cela ne devait pas être si mauvais puisqu’ils ont été tous les deux troisièmes des championnats du monde. J’ai beaucoup côtoyé Ishiro Abe dans les fédérations européennes de judo et je pense qu'il a toujours eu en tête qu’il était le représentant du Kodokan. J'ai appris de mon côté à aimer le judo français.
Pourquoi la fédération n’a t’elle pas travaillée avec d’autres experts japonais à cette époque ?
Il y a eu d’autres Japonais en France à ce moment-là. Tokyo Hirano était plus jeune que moi de trois – quatre ans et c’était un bon camarade à moi. Il était dans l’équipe de Kyoto et avait été champion du Japon en lycéen. Il était très fort. C’est un sponsor américain qui l’avait amené en Europe. Il serait bien resté en France et la Fédération lui avait demandé, mais si Kawaishi n’était pas d’accord, alors ce n’était pas possible. Il est parti en Flandres en Belgique. Raymond Sasia avait un club à Paris et invitait aussi des Japonais. Il a fait venir notamment Maître Oda, l’un des plus grands experts de ne-waza du judo. Mais il était malade d’un cancer et son influence est restée limitée.
Il y a eu aussi Michigami. C’est un professeur de Bordeaux, par l’intermédiaire d’André Nocquet parti au Japon, qui a demandé un professeur pour son club à Kurihara, à Kyoto. Michigami est venu. Il était fort et titulaire du diplôme de Budo de Busen. Il était formé pour être un professionnel des arts martiaux. Mais j’étais déjà à Paris, sous le contrôle de Kawaishi.
Comment jugez-vous l’influence de Kawaishi sur le judo français ?
Kawaishi ne représentait pas le Kodokan. À Tokyo, le judo français n’était pas estimé à cause de cela et aussi à cause de sa méthode avec les ceintures de couleur. Mais en France, tout le monde était content. C’est important ça, sinon ça ne marche pas. Et après la guerre, même les ceintures marrons, voulaient devenir professeur. Il y avait beaucoup d’enthousiasme et de rêve chez les élèves de Kawaishi. À cette époque, Madame Curie venait assister aux tournois il y avait de l’intelligence dans le judo. C’est ce qu’a réussi Kawaishi.
La France a-t-elle le « style de Kyoto » en judo ?
Le judo n’appartient à personne, qu’à ceux qui travaillent. Kyoto, le Kodokan, tout le monde fait du judo dans un esprit de camaraderie. Il n’y a pas de Japonais ou de Français, il n’y a que des gens qui travaillent. Ceux qui ne le font pas ne s’améliorent pas. C’est simple. Au Japon nous avons 130 ans d’histoire du judo, 130 ans de théorie sur le sujet. On a une idée précise de l’essentiel. Pour améliorer la technique, il faut étudier les principes de base, kuzushi, orientation du déséquilibre, tsukuri, placement du corps, kake, attaque. Et le résultat est le seul barème. Après il y a mille manières de faire, mille façon de travailler des professeurs, mais à la fin, une question : est-ce efficace ou pas ? Si ça ne marche pas, il faut s’interroger.
L’esprit général du travail, c’est « Bunbu Ryodo », développer sa compréhension et sa connaissance au quotidien en même temps que l’entraînement. Se cultiver et pratiquer doivent avancer ensemble, voilà ce qui compte.
La France ne devrait-elle pas faire venir de nouveaux experts japonais ?
C’est difficile pour moi de répondre. Aujourd’hui la Fédération s’occupe de développer le judo français d’une autre façon. Ma génération était différente. Les Japonais étaient les seuls qui ne faisaient que du judo. La Fédération française s’est affranchie de cette tutelle parce qu’elle a désormais de bons professeurs et une culture importante du judo. Au Japon il y a les universités, mais en France il y a les clubs. Pour comparer l’efficacité des professeurs, il y les championnats du monde pour cela, et la France a des résultats, alors ce n’est peut-être plus nécessaire un Japonais en France. Un expert qui fait des stages c’est bien, mais ça ne suffit pas. Il faut un professeur, qui s’engage quotidiennement, s’interroge sur ce qui ne va pas et soutienne l’entraînement de l’élève. Il faut bien étudier les détails. Japonais ou Français, ce n’est pas la question.
Que retenez-vous de votre longue histoire avec la France ?
Cela fait maintenant 60 ans que je suis là. Je n’ai pas de club privé. J’ai travaillé avec tout le monde en gardant l’esprit libre et ouvert. Tout le monde me connaît et me témoigne de la sympathie. Voilà ce qui me rend heureux. Si j’ai été exemplaire ? Je ne sais pas. J’ai avancé et des judokas m’ont suivi. « Que fait Awazu ? ». « Il va tout droit ». Alors tout le monde avance droit.
A l'occasion du 90e anniversaire de Shozo Awazu, L'Esprit du Judo a ouvert son armoire à souvenirs. Pour vous proposer l'entrevue réalisée en 2004 par Emmanuel Charlot.
Shozo Awazu l’exemple
Auprès de Kawaishi le fondateur, il y a eut Awazu. Au service du judo français comme aucun autre, Shozo Awazu en fut aussi l’âme. Sa présence discrète, patiente et inlassable pendant plus de cinquante ans dans les dojos nationaux a modifié pour le meilleur le destin du judo français. Derrière les mots, une attitude. Exemplaire.
Les années collège
J’avais dix ans et j’étais plutôt costaud. Mon père a demandé au professeur du lycée si je pouvais aller m’entraîner avec eux. Ce lycée à l’époque était champion du Japon, et les jeunes combattants étaient bien sûr plus vieux que moi de plusieurs années. Si c’était dur ? Ce n’est pas la question, dur ou pas dur. C’était juste obligatoire. Mon père me poussait et moi je poussais aussi dans la même direction. Comme mon père était un homme plutôt sévère, il poussait fort ! J’allais m’entraîner toutes les après-midi. Quand j’ai eu quinze ans, nous sommes devenus champions du Japon par équipes, deux années consécutivement.
Avant-guerre
Le Japon de cette époque était très nationaliste et la région de Kyoto était elle-même très nationaliste par rapport au reste du Japon. Et dans le milieu du Budo, l’esprit de la région était celui de la Butokukai, une association pour la pratique des arts martiaux traditionnels du Japon, qui a été dissoute par les Américains pour son nationalisme. Mes deux professeurs de judo étaient très sévères, ils nous frappaient ! Ça faisait comme cela à cette époque. Il n’y avait jamais d’excuses. Si on perdait une compétition, c’était grave. « Pourquoi perdu ? », on n’avait jamais assez travaillé, on n’était pas allé assez loin. C’était une autre époque… Mais il m’en est resté cette idée. Il faut continuer jusqu’au bout, persévérer, travailler, travailler, travailler, travailler, jusqu’à triompher des obstacles. Il est trop fort, il n’y a pas moyen. Il faut chercher et travailler encore, sans arrêter en chemin. On ne pensait pas si c’était agréable, si les professeurs avaient tort. Aujourd’hui, on mène des vies plus agréables, mais quand tout le monde est toujours gentil avec nous, ce n’est pas possible de s’améliorer.
Deux championnats du Japon
J’avais dix-sept, dix-huit ans au début de la guerre et je me suis retrouvé vers vingt-et-un ans dans une section spéciale de l’armée de terre. C’était dur. J’ai repris des études après-guerre dans une école privée où il n’y avait pas de judo. D’ailleurs, il n’y avait de judo nulle part à ce moment-là puisqu’il avait été interdit par les occupants américains. On se regroupait quand on pouvait pour des entraînements discrets, dans les dojos de police par exemple. Le judo a fini par être à nouveau autorisé et des championnats nationaux ont été organisés. J’ai fait ces championnats, qui regroupaient les seize meilleurs combattants du Japon toute catégories, en 48 et en 49. En 48, j’ai été battu à la décision par lto Tokaji, un professeur de la police d’Osaka et en 49, après avoir gagné un premier combat au sol, j’ai été battu encore à la décision par Toshio Yamaguchi, un ancien champion de l’université de Waseda qui s’apprêtait à devenir catcheur professionnel.
Kobe-Marseille, vingt-huit jours
Monsieur Kawaishi, le professeur qui avait lancé le judo en France, avait été obligé de rentrer au Japon pendant la période de la guerre. Il était de la région d’Himeiji (vile côtière à 100km environ de Kyoto, NDLR), comme Monsieur Kurihara, qui était professeur à Kyoto et qui connaissait bien mon judo. Ce dernier m’a présenté à Monsieur Kawashi. Il est reparti en décembre 1948 et on m’a présenté à Monsieur Kawashi. Il est reparti en décembre 1948 et mon m’a demandé de le rejoindre comme assistant, ce que je n’ai pu faire qu’un an et demi plus tard, le temps qu’il a fallu pour obtenir un visa. J’ai fait vingt-huit jours de bateau, avec un permis spécial pour quitter la classe économique et faire un peu de footing sur le pont. Parti de Kobe, j’ai débarqué en juillet 1950 à Marseille. Quelques heures plus tard, j’étais déjà invité à rencontrer une ligne de quinze judokas de la région et je n’ai pas pu refuser. Je n’étais pas du tout en forme et très fatigué. Le douzième m’a fait tomber ! C’était monsieur Oudart de Toulon, qui avait fait 3e des championnats de France toutes catégories, aujourd’hui septième dan. Sur un hiza-guruma, je crois. Ce fut ma première leçon française et une bonne leçon. Il faut se préparer sérieusement ou alors refuser de faire.
J’étais là pour un an…
Je suis monté à Paris pour m’occuper du Judo Club de France. Il y avait là Jean Gaihlat qui s’occupait des cours et qui m’a assisté avec beaucoup de sympathie à mon arrivée, il y avait aussi les judokas de l’époque les Cauquil, Levannier, Pelletier. Mes débuts ont été difficiles. Je ne gagnais pas d’argent, il fallait que je donne des cours particuliers pour vivre. À l’époque, la Fédération, c’était une chambre dans un foyer et une dame qui s’occupait des deux à trois mille licences du judo français. Monsieur Kawashi avait organisé des démonstrations avec moi dans toute la France, notamment un grand gala en octobre 1950 au Palais des Sports à paris. Progressivement, on a eu de plus en plus de sollicitations. J’étais là pour un an et je n’arrivais pas à repartir… Mais je m’étais marié en février 1949 au Japon et cela faisait deux ans et demi que je n’avais pas vu ma femme. Elle est finalement arrivée en France en janvier 1953. La vie est comme cela. Est-ce que c’était difficile ? Content… Pas Content… On ne peut pas penser comme ça. Je n’entre pas en conflit avec les gens, c’est mon système, et si on est malheureux un jour, le lendemain et meilleur. Le judo m’a toujours appris la patience.
Deux judo ?
En 1951, Monsieur Abe est arrivé en France. C’était un expert du kodokan invité par un club toulousain. Cela a créé un grand mouvement dans le judo français, une séparation entre ceux qui étaient fidèles à la méthode de Monsieur Kawashi et ceux qui étaient impressionnés par les démonstrations plus mobiles de Monsieur Abe. Beaucoup de choses ont été dites, et faites à cause de cela, mais tout cela n’était que le judo ! Monsieur Kawashi, Monsieur Abe défendaient la même chose.
La théorie du judo
Le judo c’est « kuzushi » le déséquilibre, « tsukuri » le placement, « kake » la projection. Et d’abord « shizentai », la posture du corps droite et naturelle. On cherche l’harmonie des mouvements et c’est la tête qui commande ! Avec le physique tout seul, on ne peut pas gagner. Tout cela est très important à comprendre, c’est le judo. « Shizentai » notamment, qui est la position du corps du judoka la plus efficace et la moins fatigante, mais il faut avoir longtemps travaillé pour la comprendre. Au début, on tombe ! Vous croyez que Kosei Inoue (champion du monde et olympique japonais, NDLR), il n’est pas tombé au début avec sa position « shizentai » ? Mais maintenant, il a confiance en lui grâce à ce travail, il est devenu un grand champion et son esprit est fort. Le judo, c’est la recherche du mouvement naturel. D’abord, on reste droit et ferme comme le saule dans le vent. Mais cela dit, la théorie c’est facile, l’efficacité c’est autre chose. Alors il ne faut pas bavarder sur tout cela, mais travailler.
On ne peut pas expliquer
L’esprit du judo ? On ne peut pas expliquer. Ce qui est important, c’est de travailler,d e faire preuve de beaucoup de patience et de comprendre tout seul. Tout le monde connaît la théorie la théorie du judo, mais s’il y a des résultats, alors c’est qu’il y a une bonne méthode. La question c’est, quel résultat ? Aujourd’hui, quelque chose change, l’esprit est moins fort à cause de la diffusion du judo dans le monde entier. C’est normal, car l’esprit du judo est difficile à préserver. Mais tant que l’on pratique, on peut comprendre, on peut entrer en contact avec les autres, sentir l’atmosphère crée par les professeurs. Le professeur donne le bon exemple, il n’explique pas l’esprit, il montre. Il essaye par tous les moyens d’aider l’élève à améliorer son travail. L’esprit, ce n’est pas obligatoire ! Ce qui compte c’est de ne pas arrêter le judo. Là seulement, c’est fini.
Le judo japonais
Le salut n’est pas souvent bien exécuté, alors que c’est très important le salut. C’est une façon de demander quelque chose et c’est aussi une façon de répondre à la demande, c’est une prise de contact avec la politesse nécessaire. Si il n’y a en qu’un seul qui salue, ce n’est pas possible. La compétition sans le salut cela ne va pas. Aux derniers championnats du monde à Osaka, même les Japonais n’ont pas tous eu une bonne attitude. Comme l’idée du judo vient du Japon, les Japonais sont comme le fils aîné de la famille. Si il ne donne pas le bon exemple, les fils qui viennent ensuite ne peuvent pas aller dans la direction. Les Japonais doivent être forts, sinon ils ne seraient pas respectés, mais en plus ils doivent chercher à marquer ippon et faire attention à leur attitude.
L’idée du judo
Ce que le judo m’a appris, c’est à ne jamais abandonner. Par exemple en ne-waza, c’est comme cela, il y a une lutte et le premier qui abandonne, il a perdu. Le judo apprend la résistance, donne du caractère. Si on pratique bien, on se forme un bon caractère. C’est cela l’idée du judo : former un bon caractère, pour la vie. Un esprit fort et droit. Ceux qui ne le comprennent pas, ceux qui pensent uniquement à gagner la compétition, c’est dommage. Quand l’esprit est fort, on peut travailler avec les autres et pour les autres - celui qui ne le sait pas, n’est pas bon judoka. Quand l’esprit est fort et que l’on sait travailler avec les autres et pour les autres, on peut être utile à la société. C’est important, et peut être qu’on le sait moins aujourd’hui. En province, on sent encore cela souvent : le judo c’est d’abord de la camaraderie. Tout le monde s’entend bien et partage quelque chose. C’est le judo qui a formé de bons caractères. Mais, bien sûr, c’est difficile. Sinon tous les grands champions, tous les hauts gradés devraient automatiquement avoir un bon caractère et un esprit droit. Il y en a beaucoup ! Mais pas tous.
Après 30-40 ans
Le travail du judo doit suivre un cycle des âges. On doit travailler avec intensité le plus longtemps possible. Physiquement, on se développe jusqu’à trente ans - mais attention à ne pas devenir trop fort, sinon on perd de la vitesse ! - mais vers trente - quarante ans, le corps change et il faut savoir changer sa forme de travail aussi. Un accident, c’est le signe que l’entraînement ou le mode de vie ne sont pas équilibrés. À ce moment de la vie, il est important que le travail soit agréable, que l’opposition soir raisonnable, fondée sur la technique. Le corps et l’esprit doivent marcher ensemble sur ce chemin. Le judo, c’est l’esprit de l’équilibre.
Il faut essayer sincèrement
Le judo a plus de 100 ans et il a beaucoup évolué. Les gens ont encore beaucoup d’idées pour le judo moderne. Bonnes ou mauvaises, ce n’est pas la question. Il faut toujours penser à améliorer, toujours essayer de faire avancer. Quand on reste immobile, c’est fini. Mais, il faut aussi bien étudier avant de vouloir changer, bien connaître les anciennes idées et les anciennes méthodes pour comparer et améliorer. Et puis, il faut rester très sincère, ne penser qu’à améliorer pour le meilleur du judo. Si quelqu’un commence à penser « intérêt », alors c’est fini aussi.
Je ne suis pas inquiet
Avec un judoka en face de moi, je suis toujours content. C’est pour cela que je ne suis pas inquiet. Tant que deux judokas peuvent travailler ensemble, sans brutalité, alors cela ira. Et si l’un des deux ne comprend pas, alors l’autre peut le lui dire gentiment. Ce qui compte, c’est que, quand on pratique le judo ensemble, notre relation soit meilleure après le travail qu’avant. C’est cela notre système d’éducation par le judo. "